Titre : Enfin la nuit
Auteur : Camille Leboulanger
Langue : Française – Langue originale : Française
Format : Papier – Lu en format poche
Publié le 25 mars 2021 chez L’Atalante Éditions collection Poche
ISBN : 979-1-036-00072-0; Prix : 7€00 ; Nombre de pages : 224
Photo de couverture : Leraf et Ludovic Charlet
Lectorat : Adultes
Genre : Science-fiction – Post-apocalytique
Tome unique
Page du livre sur le site de l’auteur ICI
Citation :
« Thomas se sent un peu idiot quand, le soir venu – 22h à sa montre-, il s’installe dans une voiture garée sur le trottoir pour y dormir. Seulement la nuit ne tombe pas. Le ciel gare de s’éteindre dorées et brillantes. Qu’il s’agisse du résultat d’une explosion nucléaire, d’un châtiment divin, ou bien d’une révolte de la nature, peu importe. Le fait est là : il ne peut pas dormir. Trop de lumière. Thomas n’y peux rien, mais il s’en veut car il se rappelle trop tard le cache-yeux entre (semblable à ce que l’on distribuer dans les avions) qu’il a oublié dans le tiroir de la table de nuit. Un cache-yeux qui lui aurait été bien utile, mais qu’il n’a tout bonnement pas pensé à emporter. Retourner chercher à l’appartement n’est pas une option. Il s’y refuse. Tout d’abord, c’est dangereux, et puis cela serait une perte de temps. On pourrait, il est vrai, objecter que Thomas n’a pas vraiment de raison d’être pressé, vu qu’il ne sait tout bonnement pas où il va. Mais quand même. Revenir sur ses pas, ce serait reconnaître son échec. Son amour-propre le lui interdit. Il est parti sans, il continuera sans. Alors, après deux heures passées à se tourner et retourner sur le fauteuil passager de la vieille Peugeot 309 verte immatriculé 1670 BD 92, il décide d’abandonner et de se remettre en marche.»
– Pages 25-26, chapitre « Le dernier randonneur ».
Résumé de l’éditeur :
« Le ciel était embrasé. On avait bien donné des explications à la télévision, histoires de guerres, de catastrophes, d’ennemis, d’alliés. Des noms, d’autres, beaucoup de noms qui se croisaient sans grande cohérence entre eux. Alors, du coup, les gens étaient dans la rue, le regard plongé dans le feu du ciel. Le grand embrasement. Ravage. La nuit était plus claire que le plein jour. Les lampadaires devenaient inutiles. Le ciel s’était allumé le 23 janvier, sur le coup de 22h30. Et si, sur le moment, personne ne comprenait vraiment ce qu’il se passait, il faudrait bien admettre, une semaine plus tard, que la nuit ne retomberait plus jamais. »
Petit mot avant-garde :
Ma rencontre avec Camille est un vrai fruit du hasard. Aux Imaginales 2021, je suis allée faire dédicacer un livre et juste à côté il y avait Camille Leboulanger. Il était en train de présenter un de ses romans à des lecteurs et je l’ai entendu dire « lisez la première page. Si vous ne l’aimez pas, ne l’achetez pas ». Bien sûr, moi en entendant ça, j’ai de suite été intriguée. Ma dédicace terminée je suis allée rencontrer Camille afin de lui demander de me présenter ses romans. De là, il m’a dit la même chose qu’il avait annoncé précédemment, et bien sûr j’ai de suite voulu le livre, Malboire. Ensuite, il m’a parlé de Enfin la nuit en me le présentant comme un roman qui pouvait que vous plaire si vous avez aimé La route de Cormac McCarthy. Alors encore une fois je n’ai pas eu d’autre choix que d’acheter le roman parce que La route a été un véritable coup de cœur il y a 3 ans de ça.
Ma chronique :
Enfin la nuit n’est pas un livre comme les autres. Il est froid, les personnages sont distants et vous ne vous évaderez pas au delà des collines de par votre imagination. Je m’explique.
Le sentiment premier qui ressort de ma lecture de Enfin la nuit, c’est que le roman est froid. Il n’y a pas d’accroche particulière à avoir avec les personnages, pas d’attache avec le monde, pas d’attache avec les lieux. Ce roman est un parcours de frissons constants, déclaré dès les premières lignes, dès que l’on sait que la nuit ne tombe plus. Le ciel est jaune et fait froid dans le dos. On ne sait pas trop où l’on est, ce qu’il en est, et ce qu’il en sera. Le lecteur est juste présent pour lire le roman et se faire transporter dans cette apocalypse par le biais du personnage principal.
Dans sa façon d’écrire, Camille Leboulanger nous amène exactement là où il veut qu’on aille et nul part ailleurs. Vous ne trouverez pas beaucoup de descriptions de paysages, et par conséquence, vous ne pourrez pas vous évader, pas laisser votre imagination faire le travail. Car ici, ce n’est pas le but. L’auteur veut vous mener par le bout des doigts et c’est ce qu’il fait. L’important, c’est de marcher aux côtés de Thomas, sans parler. Juste le suivre en silence pour vivre les mêmes choses que lui, vivre cette apocalypse, vivre ces journées infinies et étouffantes. Vous n’êtes pas le personnage, vous êtes juste spectateur de ce que peut être une vie sans nuit. En cela, vous étouffez tout le long du roman. Vous étouffez comme le fait Thomas. Vous étouffez à cause de la chaleur, à cause du stress, du manque d’eau, de trop marcher. Vous étouffez à cause des gens, de leur distance et de leur proximité. Vous étouffez car Thomas ne lève pas les yeux sur le monde qui l’entoure, ne regarde pas les panneaux qu’ils croisent, le nom des villes dans lesquelles il passe. Vous étouffez de rester la tête baissée, constamment. Et vous êtes là, toujours silencieux, à marcher aux côtés de cet homme qui ne se confie pas, qui s’ouvre très peu. Qui ne partage pas beaucoup ses sentiments, et qui parle peu. Vous n’êtes pas spectateur de ce monde apocalyptique, mais vous êtes spectateur du mode de survie de Thomas.
C’est dans l’écriture du roman que l’on sens la puissance de l’apesanteur du monde, que l’on se sent pris aux tripes par la survie du personnage.
Contrairement à La route où les héros ne sont jamais nommés, on a ici une répétition excessive des prénoms de chacun. Et contrairement à ce que l’on peut s’attendre, c’est dans cette répétition que nous ne nous attachons pas aux personnages. Ça créait une distance, comme si le fait de répéter dans la lecture un nombre incalculable de fois « Thomas » le faisait s’éloigner de nous. En comparaison, imaginez que tout se passe bien avec vos enfants ou la personne que vous aimez. Il suffit qu’il y ait une dispute pour que vous l’appeliez par son prénom, ça créait un énervement et une distance. Là c’est la même chose. Vous vous éloignez d’instinct du personnage principal. Après bien sûr, vous n’êtes pas insensible au point de le détester, pas du tout, mais vous apprenez à apprécier de suivre une histoire avec vos yeux de spectateur muet. Vous ne pouvez pas prendre part aux décisions ni aux choix de chacun, et vous en êtes quand même bien soulagés de ne pas avoir à les prendre. Il y aurait bien trop de poids sur les épaules à supporter et pourriez-vous seulement en faire un seul ?
De plus, le fait que les personnages soient distants correspond parfaitement au monde post-apocalyptique. Il reste peut d’Hommes sur Terre, c’est en quelque sorte la guerre des ressources et tout le monde doit se méfier de tout le monde car c’est humain. Car on ne sait jamais ce qui peut se passer. Car personne ne peut prédire l’avenir, et encore moins dans un monde comme celui-là. En plus, les héros sont totalement épuisés. Il ne fait plus sombre, donc le cerveau n’a plus de détecteur de fatigue. Donc, tout le monde est constamment fatigué et sur les nerfs. Sans compter la recherche constante d’ombre, de refuge, de nourriture, d’eau et surtout de sécurité.
Un autre élément fait que l’on reste distant à l’histoire, c’est sûrement aussi un des éléments les plus accrocheurs du récit. Par moment, l’auteur nous décrit des passages de personnages que l’on ne voit jamais. Ils ne sont en aucun cas importants, mais ces moments rajoutent énormément de tragique à l’histoire. Anna, Jean, ou les autres ne servent en rien au monde de Thomas, mais ils créaient un malaise infini envers cet univers qu’on ne découvre pas vraiment. Je ne peux m’empêcher de les relier aux instants, contants, où Thomas regarde sa montre et lit l’heure ou calcul le temps qui passe. Ce n’est pas constructif dans le monde dans lequel il doit vivre, mais ça lui permet d’évaluer un minimum le temps qui court et de se détacher, lui aussi, de ce qui se passe aux alentours.
Ce roman, c’est un roman vraiment accrocheur. Il faut insiter pour s’habituer à cette lecture si nominative. Mais c’est un enrichissement littéraire qui vaut vraiment la peine d’être lu. Je tiens aussi à signaler que c’est un premier roman de la part de l’auteur, et que ce n’est pas du tout détectable. J’avais l’impression de lire un livre d’un écrivain en pleine maturité. Je suis du coup en pleine attente de retrouver le style de Camille dans Malboire et curieuse de voir s’il a pu encore améliorer son écriture même s’il n’y en a pas besoin.
Des qualificatifs ? Distant, froid et extrêmement prenant